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mardi 16 juin 2015

Le parler des gones



Bienvenue à Myrelingues

Guignol et Madelon

        
         - Arrête de bajafler, fenotte, chasse plutôt les bourrons qui sont sous le lit !

         - Grand marque mal, comment veux-tu que j’y fasse, je me suis pas mise en sale !

         - Au lieu de te petafiner la gaugne comme Carimentran, tu ferais mieux d’y faire, pace que même le miron y n’ose plus se cacher dessous.

         - T’es dur de la comprenette, ça fait deux heures de temps que je me prépare pour aller trabouler à la Croix-Rousse.

         - Ben, il faudra prendre du souci si tu veux attraper la ficelle.

         - Qu’est-ce t’as dans le coqueluchon ? Je vais décaniller, pas la peine de chougner.

         - On se fait péter la miaille avant que tu décabanes ?

         - Ne me sampille pas comme ça, grand gognand, tu vas pas broger pace que je débaroule un moment de cheu nous !

         - Tu emboconnes l’eau de cologne, dis donc !

         - C’est mieux que l’odeur des équevilles, pas vrai ?

         - Ou celle des colombines de chrétien, c’est sûr ! Dis donc, t’as pris des picaillons pour acheter un jésus ? On n’a plus rien pour casser la graine, même pas des gratons.

         - Toi, le gone, quand le mâchon te fait faute, tu fais vilain !

         -  Prends aussi un tablier de sapeur et de la cervelle de canut.

         - Ah, ben non, tu iras, toi, chez la catolle  qui en vend.

         - Je croyais que tu voulais pas que je m’approche de cette poutrone !

         - Elle est cafie de bocons et elle carcasse,  c’est juste, tu devrais l’éviter !

         - T’as peur que je lui sois après et que ses quinquets m’ensorcellent ?

         - C’est une charipe plate comme un matefaim.

         - Arrête de te brandigoler le cervelet, de testicoter pour rien. Il n’y a pas mèche qu’elle m’embobine !

         - Bon, alors, mon belin, à tantôt que viens !

         - Ma grignette, bien le bonjour au gros caillou  de ma part !



Céline (28 janvier 2007)


Traduction



Bienvenue à Lyon



         - Arrête de bavarder, ma petite femme, chasse plutôt les moutons (ou chatons) qui sont sous le lit !

         - Grand voyou, comment veux-tu que je le fasse, je ne suis pas en tenue de ménage !

         - Au lieu de t’abîmer le visage en te maquillant comme un mannequin de mardi gras, tu ferais mieux de le faire parce que même le chat n’ose plus se cacher dessous.

         - Tu ne comprends donc rien, cela fait deux heures que je me prépare pour aller me promener en empruntant les traboules (couloirs obscurs reliant des maisons) de la Croix-Rousse.

         - Eh bien, il faudra penser à te mettre en route si tu veux attraper le funiculaire.

         - Qu’as-tu dans la tête ? Je vais m’en aller, pas la peine de grogner.

         - On s’embrasse avant ton départ ?

         - Ne me chiffonne pas ainsi, grand niais, tu ne vas pas te mettre à broyer du noir parce que je sors un moment de chez nous.

         - Tu sens l’eau de Cologne à plein nez, dis donc !

         - C’est mieux que l’odeur des ordures, pas vrai ?

         - Ou celle de la crotte, c’est sûr ! Dis donc, tu as pris des sous pour acheter un saucisson (de Lyon) ? On n’a plus rien à manger, même pas des résidus grillés de graisse de porc.

         - Toi, gamin de Lyon, quand tu ne peux pas faire ripaille, tu protestes !

         - Prends aussi un carré de tripes et du fromage blanc aux herbes, à l’ail et au vin blanc.

         - Ah, bien non, tu iras, toi, chez la bigote racornie qui en vend.

         - Je croyais que tu ne voulais pas que je m’approche de cette créature !

         - Elle est affligée de maladies et elle tousse comme la cloche de Saint Nizier (église de Lyon), c’est juste, tu devrais l’éviter.

         - Tu as peur que je la courtise et que ses yeux m’ensorcellent ?

         - C’est une méchante, plate comme un crêpe.

         - Cesse de te tracasser, de me quereller pour rien. Il n’y a pas à craindre qu’elle me séduise.

         - Bon, alors, mon agneau, à tout de suite !

         - Ma petite, salue le gros caillou (rocher de moraine resté sur place sur la colline de la Croix Rousse, la colline des canuts ou tisseurs de soie) de ma part.



Céline (29 janvier 2007)


NB : Tous les mots et expressions lyonnaises utilisés dans ce dialogue sont inscrits dans le dictionnaire de référence Le Littré de la Grand’Côte de Nizier de Puitspelu édité en 1894 et qu’on trouve aujourd’hui chez l’éditeur Jean Honoré ou encore dans le Dico illustré des gones de Félix Benoit aux éditions des Traboules à Lyon. Cependant, j’ai choisi les expressions que mes parents utilisaient couramment et qu’on emploie encore parfois entre nous.